Voici un beau livre qui,
outre le mérite d'être luxueux et abondamment illustré, vous permet de
tout savoir sur le thé. Oui, le thé cette boisson national qui fait
l'orgueil du Marocain, un peu son marqueur d'identité aussi, mais dont
il ignore tout ou presque. Savez-vous par exemple, quand cette boisson
a fait son apparition au Maroc et comment ? Savez-vous comment elle est
devenue une boisson nationale? Connaissez-vous le rituel qui
accompagnait la prise du thé dans les temps anciens ? Peu de gens
le savent en effet, et le mérite du livre de Noufissa Kessar Raji, et
pas des moindres, est de nous raconter tout cela.
Plus, il retrace dans un premier temps l'histoire du thé dans le monde, ainsi que la culture et les mythes qui s'y rattachent. Ainsi
apprend-on que le thé est apparu pour la première fois en chine en 2773
avant Jésus Christ, on prête son invention, comme du reste à la culture
du riz et du blé, à l'empereur mythique Shen Nong.
Bien sûr,
cette version chinoise est contestée par d'autres d'origines indienne,
japonaise et coréenne, chacune revendiquant la paternité de
l'invention. Mais audelà du mythe, le breuvage est apparu comme
ingrédient de la pharmacopée chinoise il y a près de 3.000 ans. Sous la
dynastie des Hans, il devient une boisson réservée à la Cour. Il
fallait attendre des siècles pour qu'il se généralise comme boisson
populaire à toutes les couches de la population, avant d'aller à la
conquête du monde par le biais des commerçants.
C'est un
commerçant arabe d'ailleurs, du nom de Soulayman, qui, semble-t-il, a
le premier parlé du thé dès le 9e siècle. Il le décrit comme étant «
une herbe qui a plus de feuilles que le trèfle, un peu plus de parfum
aussi, mais fort amer…» Quatre cent ans plus tard, Marco Polo fait mention du thé en tant que produit de commerce courant en Chine.
Le
thé ne fut découvert par les Européens qu'au cours du 17e siècle grâce
aux missionnaires qui rapportaient des petites quantités. Ce sont
finalement grâce aux grandes compagnies maritimes portugaises,
hollandaises et anglaises que le thé fait son entrée dans le réseau
commercial. C'est notamment la Compagnie des Indes hollandaises, fondée
en 1602 que l'introduction du thé en Europe était devenue possible.
Comment les Marocains ont-ils connu le thé ? Par
l'intermédiaire des Anglais dont il est devenu une boisson à partir du
17e siècle. Il était servi dans des «Coffee House» dont la création
remonte à 1652. Il devient un enjeu économique au fur et à mesure de sa
diffusion à travers l'Europe et au-delà, dans le vaste empire
britannique.
C'est au cours du règne du Sultan Moulay Ismaïl
que le thé a fait son entrée au Maroc. D'abord en tant que présent des
ambassades anglaises à la Cour, c'était alors une boisson réservée au
Sultan et plus tard au Makhzen et aux notables. En 1789, le chirurgien
anglais William Lemprière, appelé à la Cour de Sidi Mohamed ben
Abdellah s'étonne que le thé soit servi «dans de superbes tasses de
porcelaine des Indes, d'une petitesse remarquables (…)La petite
quantité que l'on sert à la fois de cette boisson fait voir tout le cas
que les Maures en font.
Un régal de thé dure au moins deux
heures. Il n'y a que les gens riches qui puissent en boire, à cause de
la rareté dont il est en Barbarie». Il fallut attendre la guerre de
Crimée en 1854 pour voir se généraliser l'usage du thé au Maroc. C'est
que le blocus de la Baltique, interdisant aux marchands anglais les
pays slaves, les incita à rechercher d'autres débouchés.
Les
ports marocains très proches de Gibraltar étaient tout indiqués pour
acheminer le produit au Maroc. Les comptoirs de Tanger et de Mogador
(Essaouira) deviennent vite les plaques tournantes du commerce du thé
qui devient progressivement une boisson populaire comme il l'est encore
aujourd'hui. |